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ACTUALITÉS GEM2025-04-28

GEMExpert –Dialogue social : le CSE, un premier bilan mitigé

Dialogue social

Temps de lecture : 0 min

Comment la création dans les entreprises du Comité social et économique (CSE) a-t-elle fait évoluer le dialogue social ? Qu’en pensent les salariés, les syndicats, les responsables ressources humaines et les dirigeants ? Six chercheurs, dont une issue de Grenoble Ecole de Management, ont mené une étude dans de grands groupes. Leur conclusion : la simplification et l’efficacité attendues ne sont pas forcément au rendez-vous.

Interview de Heather Connolly, professeure associée à Grenoble Ecole de Management (GEM)
 

Heather ConnollyLa mise en place en 2017 du Comité social et économique (CSE) constitue-t-elle une évolution majeure pour le dialogue social en entreprise ?

C’est un tournant aussi marquant que l’adoption en 1982 des lois Auroux, dont l’ambition était déjà de transformer les relations de travail. Rappelons qu’elles avaient notamment créé le CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), et institué le droit d’expression des salariés sur leurs conditions de travail.

Avec le CSE, le législateur fusionne le CHSCT, le Comité d’entreprise et les délégués du personnel dans une instance unique, ce qui impacte la qualité et l’efficacité du dialogue social. Nous avons voulu évaluer cet impact avec ce projet de recherche conduit par six entités, dont Grenoble Ecole de Management, et financé par France Stratégies. En pratique, nous avons mené 160 entretiens dans sept grands groupes français.  

Télécharger le rapport "Effet de la mise en place des CSE sur le dialogue social"
 

L’objectif de la réforme était de simplifier et renforcer le dialogue social. Vous semble-t-il atteint ?

Le dialogue a été centralisé, mais il s’est beaucoup alourdi. Les réunions du CSE sont précédées d’un travail préparatoire en commissions qui s’avère très chronophage. De plus, leur rythme est mensuel. Ce n’est pas toujours suffisant pour traiter tout ce qui devrait l’être.

Par ailleurs, la disparition du délégué du personnel rend difficile le traitement des problèmes individuels. D’autant que le CSE tend à privilégier les thématiques collectives (santé des salariés, restructurations…), même si ce n’est pas une obligation formelle. Il devient également difficile d’aborder les problèmes opérationnels à court terme, individuels ou collectifs. Ils sont redirigés vers des « représentants de proximité » côté syndical et vers les managers intermédiaires, censés s’impliquer dans le dialogue social.

Quelles sont les conséquences de ces évolutions ?

Des difficultés qui auraient pu être résolus par le dialogue persistent, voire s’enkystent, ce qui n’est guère favorable au climat social. Quant aux syndicats, ils doivent se battre pour bénéficier de moyens qui leur étaient acquis : par exemple, négocier pour obtenir ces représentants de proximité, pour qu’ils aient le droit de consacrer du temps à leur mission, etc. Résultat : le lien avec les salariés semble se distendre et se fragiliser.

Qu’en pensent les responsables des ressources humaines et les dirigeants ?

Ils attendaient un dialogue plus simple, plus fluide, plus « efficace », ce qui au passage occulte la nature parfois conflictuelle de ce dialogue. Parmi les entreprises enquêtées, certaines constatent une amélioration, d’autres estiment que la situation s’est dégradée. Le bilan est donc mitigé.

Côté syndical, nos interlocuteurs expriment le plus souvent un avis négatif. Ils estiment perdre avec cette réforme beaucoup de moyens, de pouvoir et d’influence : une partie du dialogue social qu’ils menaient en CHSCT ou au CE est devenue informelle en se déportant sur le terrain.

 

Les publications
Articles académiques associés au projet : 
Connolly, H., Béthoux, É., Bourguignon, R., Mias, A., Tainturier, P., & de Becdelièvre, P. (2024). Neoliberalism by stealth? Labour reforms and institutional discontinuity in worker representation in France. Economic and Industrial Democracy, 0143831X241268171.

Mias, A., Tainturier, P., de Becdelièvre, P., Béthoux, E., Bourguignon, R., Connolly, H. (2024) Le CSE et ses commissions : reconfigurer les instances représentatives pour rationaliser le dialogue social ? Chronique du Travail, 13: 43-74.

 

Bio express
Heather Connolly est professeure associée et membre de l’équipe de recherche « Ré-Imaginer le travail » de Grenoble Ecole de Management. Ses travaux portent sur relations de travail, la gestion des ressources humaines et les méthodes de recherche.
 

 

Les programmes GEM associés

etudiants Paris - students Paris

Programme Grande Ecole

International BBA

MSc International Human Resource Management

 

  • Organisations
  • Ressources humaines
  • GEM Research

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