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ACTUALITÉS GEM2025-06-16

GEMExpert - La blockchain, calamité climatique ou technologie durable ?

Blockchain

Temps de lecture : 8 min

D’après une étude menée par trois chercheurs de Grenoble Ecole de Management, les entreprises qui déposent beaucoup de brevets sur la blockchain voient baisser leurs scores de performance environnementale et sociale (ES). Mais on observe parfois aussi l’effet inverse… Alors, que penser de cette technologie en plein essor ?

Interview de Jamil Jaballah, professeur associé à Grenoble Ecole de Management (GEM), et Rebecca Cardot, doctorante
 

Jamil JaballahPourquoi cette enquête et sur quels types d’entreprises l’avez-vous menée ?

Jamil Jaballah : la blockchain suscite d’intenses débats, en particulier son utilisation pour les cryptomonnaies. En 2021, les Nations-Unies ont publié sur leur site un article qui se demandait s’il fallait la voir comme une possible « calamité climatique » ! Aussi, nous avons approfondi le sujet en étudiant l’évolution des scores ES de plus de 2000 entreprises américaines qui déposaient des brevets entre 2008, date de l’invention de la technologie blockchain, et 2020.

Mais une entreprise qui dépose des brevets n’est pas forcément utilisatrice ?

J J. :  Les sociétés créent d’abord la propriété intellectuelle pour protéger les produits et services qu’elles ont mis au point. De plus, avec cette approche basée sur les brevets publiés, nous couvrons tous les usages existants de la blockchain.

 

Rébecca CardotQuels sont vos principaux résultats ?

Rebecca Cardot : les entreprises les plus actives en matière de brevets blockchain affichent des scores ES plus faibles. En particulier sur deux critères : la consommation de ressources et la « responsabilité produit », qui englobe des aspects comme la qualité des produits, le marketing responsable ou la gestion des données et de la vie privée. Toutefois, cet effet négatif est moins marqué dans les grandes sociétés.

Comment expliquez-vous cet écart ?

R.C. : Une blockchain est une technologie de base de données partagée entre les participants d’un réseau. Donc, plus l’entreprise qui la déploie est grande, plus elle dispose d’un vaste réseau interne et externe, donc d’acteurs avec lesquels multiplier les applications et les transactions. Les dépenses de R&D, d’installation d’infrastructures, d'énergie sont alors mieux amorties. Exemple : si une blockchain réunit les acteurs d’une supply chain, vous disposez d’une excellente visibilité sur les différents composants de vos produits, vos émissions carbone, le respect par vos fournisseurs de règles éthiques…Vous pouvez évaluer, optimiser, faire des choix et améliorer vos scores ES.

Votre étude indique toutefois que l’effet principal reste négatif…

R.C. : Oui, c’est pourquoi nous avons mené un travail complémentaire sur l’État du Vermont, qui avait adopté dès 2016 une loi reconnaissant la validité juridique des données stockées sur une blockchain. Résultat : l’impact des brevets sur la performance environnementale des sociétés est cette fois positif ! Sans doute parce que ce cadre légal sécurise les relations contractuelles et commerciales entre entreprises autour d’une blockchain, donc facilite les économies d’échelle et le partage des coûts, notamment environnementaux.

Quels enseignements les décideurs peuvent-ils retirer de vos travaux ?

J.J. : Aucune technologie n’est vertueuse ou dangereuse en soi. En revanche, toutes ont un impact sur la performance extrafinancière, qui prend chaque jour plus d’importance. Notre ambition est d’apporter un éclairage et des points de vigilance sur la façon de choisir, de déployer, d’utiliser la blockchain pour qu’elle soit « durable », et pas uniquement rentable.    

 

La publication
Bernard, Carole and Cardot, Rebecca and Jaballah, Jamil, The Impact of Blockchain on Firms' Environmental and Social Performance (June 04, 2024). 

 

Bio Express
Rébecca Cardot est étudiante PhD au sein de l’équipe de recherche « Finance, Innovation et Gouvernance » de Grenoble Ecole de Management. Sa recherche porte sur les innovations en Finance (innovations de produits et technologiques) et leurs impacts, notamment en termes de durabilité. Elle travaille en particulier sur la finance verte et durable, sur la blockchain et ses applications, et la manière dont ces sujets interagissent les uns avec les autres.

Jamil Jaballah est professeur associé et responsable de l’équipe de recherche « Finance, Innovation et Gouvernance » de Grenoble Ecole de Management. Sa recherche porte sur les interactions entre les entreprises et les investisseurs. Il s'intéresse particulièrement à la perception des investisseurs vis-à-vis des informations financières et extra-financières, ainsi qu'au lien entre la gouvernance d'entreprise et l'adoption de stratégies socialement responsables par les entreprises.

Carole Bernard est professeur et affiliée à l’équipe de recherche « Finance, Innovation et Gouvernance » de Grenoble Ecole de Management. Ses intérêts de recherche portent sur les sciences actuarielles, l'économie théorique et la finance. Elle analyse la modélisation du comportement des investisseurs et l’optimisation des décisions financières, notamment pour les retraites, la gestion des risques et la valorisation des garanties en assurance et finance.

 

Les programmes GEM associés

Etudiants - Students Grenoble Ecole de Management


Programme Grande Ecole - PGE

MSc Management in International Business (MIB)

MSc Finance & Investment Banking

MSc Sustainable Financial Management

  • Blockchain
  • Finance
  • GEM Research

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