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ACTUALITÉS GEM2025-03-10

GEMExpert - Pour ou contre l’humain augmenté : quels aspects éthiques déterminent les opinions ?

cyborg

Temps de lecture : 0 min

Quelles considérations éthiques amènent un individu à accepter ou refuser de se faire greffer sous la peau une micropuce intelligente qui va « l’augmenter » ? Une étude menée par Grenoble Ecole de Management montre la complexité du débat : envisager de devenir un cyborg, c’est se questionner sur son rapport à soi, à son corps, à la technologie et à la société.

Entretien avec Stéphanie Gauttier, responsable de l’équipe de recherche « Systèmes d’information pour la société » de Grenoble Ecole de Management (GEM)
 

Stéphanie GauttierEn 2025, les micropuces implantées sont-elles une réalité ou un scénario de science-fiction ?

Stéphanie Gauttier : Il y a eu en 2018 quelques expériences en Belgique, en Suède et aux États-Unis. Mais elles n’ont pas duré. Aujourd’hui, la façon la plus simple de « s’augmenter » est de recourir à l’IA… 

Mais le sujet n’est pas abandonné ; Neuralink continue à travailler sur des implants cérébraux. On ne peut écarter la possibilité de voir apparaître des cyborgs, c’est-à-dire des individus de chair, d’os et de technologies d’augmentation, dotés de capacités physiques, cognitives ou psychologiques « surhumaines ».

Pourquoi en avoir fait un thème de recherche ?

SG : Le débat éthique sur l’acceptation de cette technologie se limite souvent à la sécurité et à la confidentialité des données. Comme s’il n’y avait pas également des questions philosophiques, religieuses, sociétales, etc. D’autre part, la gouvernance des technologies d’augmentation est un enjeu international, aujourd’hui dans l’impasse : les différences culturelles entre pays sont considérables, et nous manquons de matériau pour approfondir la réflexion.

Aussi, nous avons enquêté auprès de 55 étudiants français, espagnols et japonais, et mis en évidence quatre points de vue éthiques (lire ci-dessous).

Que retenir de vos résultats ?

SG : Aucun point de vue éthique n’est binaire : les avis sur les micropuces implantées sont le fruit de compromis et de combinaisons entre différentes valeurs. Nos travaux rendent compte de cette complexité et d’une certaine façon, donnent la parole à ceux qui ont une opinion sur le sujet, mais peinent à l’exprimer. Ils indiquent aussi aux pouvoirs publics comment communiquer, expliquer, ou alerter ceux qui adopteraient trop vite le transhumanisme, au seul motif qu’il est pratique et utile.  

Les quatre points de vue éthiques identifiés

  • Acceptation sans réserve : les répondants adhèrent à l’idée que leur corps puisse être « fusionné » avec une technologie, et en attendent des bénéfices. Ils ne ressentent pas le besoin d’un débat sociétal ou de précautions autour de leur consentement.
     
  • Réserves personnelles : chez ces répondants, le concept « d’augmentation » n’est pas conciliable avec leur vision de l’être humain fait de chair et de sang, de ses apprentissages, de sa croissance et du développement de sa personnalité.
     
  • Réserves sociétales : les répondants craignent les risques de surveillance généralisée, de compétition entre individus ou d’évolution vers de la sélection génétique. En revanche, ils voient un intérêt à utiliser la technologie pour eux-mêmes s’ils la contrôlent.
     
  • Rejet : le concept d’humain augmenté viole les croyances religieuses des répondants, ainsi que leur représentation de ce que doit être l’ordre du monde. Ils ne trouvent pas d’avantage à y avoir recours et s’inquiètent de ses impacts sur la santé mentale.

 

La publication 
Stéphanie Gauttier, Mario Arias-Oliva, Kiyoshi Murata, Jorge Pelegrín-Borondo: " The ethical acceptability of human enhancement technologies: A cross-country Q-study of the perception of insideables" In Computers in Human Behavior: Artificial Humans, Volume 2, Issue 2, August–December 2024, 100092

Bio express
Stéphanie Gauttier est professeur associé et responsable de l’équipe « Systèmes d’Information pour la Société » à Grenoble Ecole de Management. Ses recherches portent sur l’acceptabilité et la diffusion des technologies d’augmentation de l’humain. Elle est également membre de la chaire Digital Organizations and Society, qui étudie l’impact des technologies numériques sur l’individu, les organisations, la santé et la société.



Les programmes GEM qui intègrent la question des technologies innovantes
 

innovation


MSc Managing with Data and Artificial Intelligence

▶ Manager du Numérique et du Système d’Information

▶ MS Big Data

▶ MS Management Technologique et Innovation Responsable

 

  • GEM Research

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