Avec son rapport d’activité 2022 -2025, récemment publié, la chaire Energy for Society de Grenoble Ecole de Management rappelle que la neutralité carbone a besoin de toutes les énergies renouvelables pour réussir. Elle explique également pourquoi celles-ci ne sont pas toutes aussi « acceptables » aux yeux des citoyens, voire sont perçues comme concurrentes plutôt que complémentaires.
Interview de Carine Sebi, Professeure Affiliée à Grenoble Ecole de Management (GEM) et titulaire de la chaire Energy for Society
Quel est le fil directeur du rapport d’activité que vous venez de publier ?
Nous y affichons deux convictions. La première : la neutralité carbone en 2050 est inatteignable si à côté du nucléaire, nous n’exploitons pas toutes les autres énergies bas carbone : éolien, solaire, méthaniseurs, etc. Même avec des efforts massifs de sobriété et d’efficacité énergétique ! La seconde : l’obstacle n°1 en France, c’est l’adhésion sociale à ces renouvelables. Elles suscitent de plus en plus de contestation, de mobilisations citoyennes, de recours en justice, etc. Alors que nous sommes déjà en retard sur le reste de l’Europe.
Nous présentons aussi nos travaux des dernières années : traitement médiatique comparé du nucléaire et de l’éolien terrestre, opinions sur l’éolien terrestre et affiliations politiques, acceptabilité des projets de méthaniseurs… Je précise qu’il s’agit bien de recherche académique, validée par nos pairs et publiée dans des grandes revues internationales, et non de prises de position.
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Le nucléaire connaît un regain d’intérêt depuis quelques années. Avons-nous raison de miser autant sur lui ?
Aucune énergie bas carbone ne peut être la solution à elle seule. Chacune a ses atouts et ses limites, techniques, économiques, bioclimatiques, etc. Exemple : on peut déployer massivement de l’éolien et du solaire en quelques années, mais un nouveau réacteur nucléaire se construit en 15 ans minimum ; il ne répond pas aux mêmes échéances. Exemple inverse : il faut des centaines de méthaniseurs ou d’éoliennes pour produire autant qu’une paire d’EPR2, et ils suscitent davantage d’oppositions. La transition énergétique est un processus au long cours qui nécessite des nuances, des réflexions de fond, et non des positions « pour » ou « contre ».
Votre rapport fait des recommandations pour accompagner cette évolution…
Oui. Par exemple, nous avons analysé 70 000 articles sur le nucléaire et l’éolien publiés entre 2005 et 2022 dans la presse française. Sur cette période, celle-ci a tendance à valoriser les points forts du nucléaire et à pointer les lacunes de l’éolien, et nous plaidons pour un traitement médiatique plus équilibré, plus impartial. D’autres recommandations s’adressent aux élus locaux, développeurs de projets, concepteurs de politiques publiques ; elles visent à améliorer l’acceptabilité des renouvelables, notamment à travers leurs choix de business models ou leur communication.
Quels sont les projets de la Chaire pour ces prochaines années ?
Nous participons à la création de cursus de formation basés sur nos travaux, et contribuerons avec d’autres universitaires à des baromètres plus macro-économiques sur l’énergie, par exemple sur la réindustrialisation verte. En parallèle, nous poursuivrons nos recherches autour de l’adhésion sociale et du triptyque souveraineté énergétique/sécurité d’approvisionnement/ décarbonation ; tout en élargissant si possible le cercle des entreprises mécènes qui nous soutiennent.
La publication
L’adhésion sociale est un enjeu clé de la transition énergétique. Réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre passe par une adhésion citoyenne forte aux énergies renouvelables. Grâce à des outils d’analyse économique et l’étude des business models, la Chaire Energy for Society explore les perceptions, les résistances et les motivations des citoyens à leur sujet. Rapport d’activité 2022-2025 - Synthèse
Bio express
Carine Sebi est professeure associée en économie à GEM, membre de l’équipe de recherche « Management de l’Énergie et de l’Environnement ». Elle dirige la Chaire Energy for Society, qui étudie l’adhésion sociale de nouvelles infrastructures énergétiques (éolien, méthanisation, etc). Carine Sebi publie à la fois dans des revues scientifiques et dans les médias.
Les programmes GEM sur l’énergie
▶ MSc Energy Business & Climate Strategy
▶ MSc Management for Sustainability Transitions
▶ Mastère spécialisé en management et marketing de l’énergie et de la transition énergétique
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