Les usagers des réseaux sociaux sont-ils plus enclins à suivre les recommandations des influenceurs humains ou virtuels ? Quels mécanismes psychologiques forgent leur adhésion ? Pour le savoir, quatre chercheurs, dont Isabella Seeber de Grenoble Ecole de Management, ont couplé observations en neuro-imagerie et tests auprès d’une centaine de personnes. Leur verdict : l’influenceur en chair et en os reste le plus persuasif.
Interview d’Isabella Seeber, professeure associée à Grenoble Ecole de Management (GEM)
Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les influenceurs virtuels (IV) ?
Ce sont des comptes de réseaux sociaux qui représentent un personnage virtuel, humain le plus souvent, et proposent du contenu généré par IA. La plus connue en France, Lil Miquela, totalise 2,4 millions d’abonnés sur Instagram. Elle raconte son quotidien, publie des stories, fait la promotion de grandes marques, etc.
Les IV sont moins présents que les influenceurs humains (IH), mais ils montent en puissance : ils sont moins chers, plus faciles à contrôler et à adapter à différents produits, ne risquent pas d’être impliqués dans des scandales. D’où l’intérêt des entreprises.
Mais leur capacité de persuasion des consommateurs est-elle plus élevée ?
Les travaux scientifiques sur ce sujet sont nombreux, mais contradictoires. De même, il y a débat sur les mécanismes psychologiques qui conduisent un internaute à suivre ou non un IV.
Pour avancer sur cette question, il fallait l’aborder sous un autre angle. Aussi, notre étude s’est appuyée à la fois sur de la neuro-imagerie* et sur des tests classiques. Pendant que les participants regardaient des images d’influenceurs virtuels ou humains, nous avons enregistré leurs réactions cérébrales, qui durent quelques millisecondes. Et grâce à des recherches neuroscientifiques antérieures, nous avons pu en déduire la nature de leurs réactions : par exemple la surprise, l’effort cognitif, l’émotion positive ou négative…
Qu’avez-vous découvert ?
L’imagerie cérébrale et les tests convergent vers trois mécanismes qui expliquent pourquoi nous suivons davantage les influenceurs humains que virtuels. D’abord, pour les internautes, le contenu « humain » correspond davantage à leurs attentes ; ils se sentent plus proches de l’influenceur. Ensuite, ils ressentent des émotions plus positives face à un influenceur humain, ce qui renforce la confiance envers lui. Enfin, ils ont besoin de moins d’effort cognitif pour traiter les publications « humaines », ce qui réduit leur méfiance envers l’influenceur.
Dans ce cas, comment expliquer le succès des IV ?
Compte tenu de leur large audience et des avantages évoqués plus haut – coût, facilité de contrôle, etc. - les organisations ont de bonnes raisons de les utiliser par pragmatisme.
De plus, nos résultats peuvent contribuer à rendre les IV plus efficaces. Par exemple, en ciblant des publics déjà familiers avec les personnages virtuels, comme les joueurs de jeux vidéo, afin de réduire l’effet de surprise. Ou en veillant, dans les publications sur les réseaux sociaux, à associer les publicités pour des produits à des émotions positives.
*électroencéphalographie et spectroscopie fonctionnelle proche infrarouge
Rubrique – La publication
Nissen, Anika; Conrad, Colin; Seeber, Isabella; and Newman, Aaron J., (2025): "Why Do We Follow Virtual Influencer Recommendations? Three Theoretical Explanations from Brain Data Tested with Self-Reports".
Rubrique – Bio express
Isabella Seeber est professeure associée dans l’équipe de recherche « Systèmes d’Information pour la Société » de Grenoble Ecole de Management. Ses recherches portent sur les agents conversationnels basés sur l'IA dans la collaboration en équipe, l'innovation basée sur l'équipe et la foule, le nudging numérique et la numérisation dans la gestion des connaissances.
Les programmes GEM associés
▶ MSc Innovation & Entrepreneurship
▶ MSc Managing with Data and Artificial Intelligence
▶ MS Manager des Stratégies Digitales
- Marketing digital
- GEM Research