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Rapport 3 Hiver 2014

Cette édition Hiver 2014 du Baromètre du Marché de l’Energie par Grenoble Ecole de Management (GEM) présente les estimations des experts français sur les futurs bouquets électriques de la France et de l’Union Européenne, leur évaluation des conditions réglementaires en France pour les investissements dans les technologies énergétiques, et leurs attentes concernant le développement des prix de l'énergie et des certificats carbone.

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Futurs bouquets électriques de la France et de l’UE

Equipe projet

Joachim Schleich (Project Coordinator), Olivier Cateura, Corinne Faure, Jojo Jacob, Laurent Javaudin, Greg Molecke, Mark Olsthoorn, Jonatan Pinkse, Azadeh Shomali, Anne-Lorène Vernay

Le Baromètre GEM du Marché de l'Energie est une enquête semestrielle auprès d'experts du marché de l'énergie opérant dans l'industrie, la science, et l'administration publique en France. Ces experts sont invités à donner leur évaluation de court, moyen et long terme sur l'évolution des marchés nationaux et internationaux de l'énergie. L'enquête est conçue en étroite collaboration avec le ZEW, le Centre de recherche économique européenne, qui a réalisé un baromètre similaire en parallèle pour l'Allemagne. Ce rapport est basé sur les résultats de l'enquête conduite en décembre 2014 et impliquant 107 participants en France. Ce rapport peut aussi être téléchargé : En Anglais: en.grenoble-em.com/energy-market-barometer- report-winter-2014 En Français: grenoble-em.com/rapport-3-hiver-2014 Les résultats du Baromètre ZEW pour l'Allemagne peut être téléchargé (en Allemand) : ZEW-Energiemarktbarometer

Le futur bouquet électrique en France et dans les autres pays de l'UE fait l'objet de controverses par rapport aux objectifs politiques en matière d'émissions de gaz à effet de serre (GES), d'efficacité énergétique et d'énergies renouvelables. Avant notre sondage, des décisions de politique énergétique majeures ont été prises à Paris et à Bruxelles en octobre.

Tout d'abord, l'Assemblée Nationale française a adopté en première lecture le projet de loi sur la Transition Energétique. Ce projet de loi prévoit d'ici 2030 une réduction des émissions de GES de 40% par rapport aux niveaux de 1990. Il comprend en outre une réduction de 50% de la consommation finale d'énergie en 2050 par rapport à 2012, une augmentation de la part des énergies renouvelables dans l'énergie française à 23% pour 2020 et à 32% en 2030 (en 2012, cette part était de 13,7%). En particulier, la part du nucléaire dans le bouquet est prévue de diminuer de 75% à 50% d'ici 2025. Afin de s'aligner avec les directives européennes le projet de loi ouvre la voie à un nouveau système de soutien à l'électricité produite à partir des énergies renouvelables. Ce nouveau système va progressivement s'éloigner du régime de tarif de rachat du courant qui garantit aux exploitants d'installations d'énergie renouvelable un prix de vente fixe, vers un système avec un élément de prix de marché.

Deuxièmement, le Conseil de l'UE s'est accordé pour réduire les émissions de GES dans l'UE d'au moins 40% d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Cet objectif suppose de garder l'UE sur la bonne voie pour réduire les émissions d'au moins 80% d'ici 2050 et ainsi contribuer à limiter le changement de la température moyenne mondiale à 2°C. Le Conseil a en outre accepté un objectif contraignant pour la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie dans l'UE d'au moins 27% en 2030 (en 2012, cette part était de 14,1%) et un objectif indicatif pour l'amélioration de l'efficacité énergétique d'au moins 27% en 2030 par rapport à une base de référence.

Compte tenu de ces décisions, nous avons questionné nos experts au sujet de leurs attentes sur la répartition des types de combustibles dans la production totale d'électricité en France et dans l'UE en 2030.

Le bouquet électrique anticipé en France et dans l'Union Européenne en 2030 (moyenne des réponses pour les parts de la production brute en %)

Moins d'un quart des experts estime que l'objectif de nucléaire dans le bouquet électrique français pour 2025 sera atteint

Les experts s'attendent, en moyenne, à voir la part du nucléaire dans le bouquet électrique français baisser de 16 points, passant de 74% actuellement à 58% en 2030. Seulement un quart des experts estime que la part du nucléaire sera de 50% ou moins en 2030, soit 5 ans après l'année butoir définie dans le projet de loi sur la transition énergétique. La part décroissante de l'énergie nucléaire sera principalement remplacée par les énergies renouvelables (sauf l'hydroélectricité). Les experts anticipent que ces énergies renouvelables quadrupleraient presque leur part, de 5% actuellement à 18% en 2030. La part de l'hydroélectricité dans le bouquet électrique français devrait rester relativement constante. La part du gaz naturel devrait presque doubler d'ici 2030, et la part du charbon réduite de moitié.

Les énergies renouvelables vont devenir la source dominante de production d'électricité dans l'UE en 2030

Pour l'UE, le nucléaire et le charbon dominent actuellement avec pour chacun des parts de 27% dans le bouquet électrique. Nos experts s'attendent à voir la part du charbon chuter de 10 points d'ici 2030. De même, la part du nucléaire devrait baisser de 5 points. En comparaison, il est estimé que les sources d'énergie renouvelable (sauf l'hydroélectricité) doubleraient leur part de 13% actuellement, à 25% en 2030 pour devenir la source dominante de génération d'électricité dans l'UE en 2030. Cette estimation est légèrement inférieure à la part de 29% projetée par l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) dans son World Energy Outlook 2014 pour la part des énergies renouvelables (hors hydroélectricité) dans la production brute d'électricité de l'UE en 2030 dans le scénario central. Ce scénario prend en compte les politiques qui ont été adoptées à la mi-2014, ainsi que les propositions de politiques applicables au domaine. Toutefois, cette part de 25% est d'environ 10 points de pourcentage inférieure à celle requise dans le scénario de l'AIE, qui est conforme pour atteindre l'objectif des 2 °C.

Cadre règlementaire pour les investissements dans les technologies de l'énergie en France

Les décisions des entreprises d'investir dans des technologies énergétiques dans le secteur de l'énergie dépendent non seulement des conditions du marché, mais, en particulier, des conditions réglementaires. Les incitations financières telles que les subventions, la fiscalité de l'énergie ou du CO2, les crédits d'impôt, les prêts à faible intérêt, ou encore les prix de rachat de l'électricité et des incitations non financières telles que les normes de performance, les programmes d'étiquetage, ou la régulation de l'accès au réseau affectent tous la Recherche & Développement et le déploiement des technologies énergétiques. Notamment dans le contexte du projet de loi sur la Transition Energétique française, nous avons demandé aux experts d'évaluer le cadre réglementaire en vigueur pour les investissements dans chacune des technologies énergétiques, et d'évaluer les changements attendus au cours des 5 prochaines années

Le cadre réglementaire actuel et futur en France est particulièrement favorable pour les investissements dans l'efficacité énergétique et les technologies renouvelables

Plus des deux tiers de nos experts pensent que le cadre réglementaire actuel est favorable aux investissements dans l'efficacité énergétique, c'est à dire soit très favorable (8%) ou plutôt favorable (60%). En outre, la grande majorité des experts français de l'énergie s'attendent à voir le cadre réglementaire pour l'efficacité énergétique s'améliorer au cours des cinq prochaines années. Certes, cette constatation peut être due à des mesures supplémentaires qui ont été proposées dans le cadre de la transition énergétique française, telles que la mise en oeuvre de codes de la Construction et de l'Habitation plus strictes ou la promotion de bâtiments à énergie positive.

De même, plus de 60% de nos experts évaluent comme favorable le cadre réglementaire actuel pour les technologies des énergies renouvelables. Un pourcentage similaire dit s'attendre à voir le cadre réglementaire pour les énergies renouvelables s'améliorer au cours des cinq prochaines années. Ainsi, les dispositions de la législation sur la transition énergétique française devraient stimuler les investissements dans l'électricité renouvelable et les technologies liées au chauffage.

Les experts sont divisés sur le cadre réglementaire actuel et futur pour les investissements dans le Nucléaire

On note par contre que les experts sont plutôt divisés sur le cadre réglementaire actuel et futur pour les investissements dans les technologies nucléaires. Deux sensibilités opposées, représentant plus d'un tiers des experts chacune, considèrent le cadre réglementaire actuel comme étant soit favorable soit défavorable au nucléaire. Bien que le projet de loi sur la Transition Energétique prévoie une réduction substantielle de la part du nucléaire dans le bouquet électrique français d'ici 2025, seulement 43% des experts s'attendent à un cadre réglementaire futur qui se dégraderait pour les investissements dans les technologies nucléaires en France. Pour le gaz naturel, la plupart des experts (51%) considèrent le cadre réglementaire actuel comme plutôt neutre et, dans des proportions comparables, le trouvent défavorable (27%) ou favorable (22%).

Deux tiers de nos experts s'attendent à un cadre réglementaire futur pour le gaz naturel qui resterait inchangé et environ un quart des experts anticipe une amélioration. Les centrales au gaz naturel sont particulièrement bien adaptées pour fournir la souplesse d'exploitation nécessaire en vue de répondre à la croissance prévue dans les énergies renouvelables intermittentes dans le système électrique. Enfin, la plupart des experts considèrent comme défavorable le cadre réglementaire actuel pour les investissements dans les technologies du charbon, c'est à dire soit très défavorable (25%) ou plutôt défavorable (39%). De même, presque tous les experts s'attendent à un cadre réglementaire se dégradant pour les technologies du charbon au cours des cinq prochaines années. En l'absence de technologies de captage et de stockage du carbone, la génération d'électricité à base de charbon est difficilement compatible avec les objectifs climatiques exigeants du projet de loi de Transition Energétique française.

Evolution des prix de l’énergie

Le Baromètre du marché de l'énergie sonde les attentes des experts du marché de l'énergie sur l'évolution des prix de l'énergie sur le marché de gros et sur le prix des quotas d'émission de CO2.

Des prix de l'électricité qui restent stables à court terme, mais augmentent à moyen terme

Concernant l'électricité et le charbon, les anticipations à court et moyen terme des experts de notre panel sont très semblables à celles de l'enquête précédente réalisée en juin 2014. En substance, la plupart des experts de notre panel voient les prix du charbon et de l'électricité rester stable au cours des six prochains mois. Au cours des cinq prochaines années, la grande majorité des experts s'attendent à voir le prix de l'électricité augmenter, et environ la moitié anticipent un prix du charbon inchangé.

Les prix du pétrole continuent de diminuer à court terme, mais ils augmenteront à moyen terme

Entre l'enquête de juin 2014 et celle de décembre 2014, le prix du pétrole en $ a chuté d'environ 30%, en réponse à la croissance économique atone, à la disponibilité de substituts bon marché (l'exploration de pétrole et de gaz non conventionnels en Amérique du Nord...), et le refus de l'OPEP (essentiellement de l'Arabie Saoudite) de réduire la production. Cette forte baisse est venue comme une surprise pour la plupart des experts. Dans les enquêtes précédentes seulement 3% avaient anticipé des prix du pétrole à la baisse au cours des 6 prochains mois.

Dans l'enquête actuelle la moitié des experts s'attendent à des prix du pétrole (encore plus) orientés à la baisse au cours des six prochains mois, tandis que 40% n'anticipent plus aucun changement au cours de cette période. En revanche, 74% des experts prévoient des prix du pétrole à la hausse au cours des cinq prochaines années. Cette proportion est similaire aux résultats de l'enquête de juin 2014, où 77% estimaient que le prix du pétrole augmenterait à moyen terme sur les cinq prochaines années. Ainsi, les experts ont ajusté leurs attentes relatives aux prix du pétrole à court terme mais pas à long terme.

Pour le prix à court terme du gaz, nous observons des ajustements similaires dans les attentes des experts, mais moins prononcés que pour le prix du pétrole. Environ la moitié des experts pensent que le prix du gaz sera constant au cours des six prochains mois (contre 58% dans l'enquête précédente) et 30% pensent que les prix du gaz baisseront au cours de cette période (contre 10% dans l'enquête précédente). 60% des experts s'attendent à ce que le prix du gaz augmente au cours des cinq prochaines années (contre 68% dans l'enquête précédente).

En somme la majorité des experts de notre panel considère les bas prix actuels du pétrole et du gaz comme un phénomène temporaire.

Le prix des quotas d’émissions de CO2 ne s’élève qu'à moyen et à long terme – mais sur les niveaux qui demeurent relativement faibles

régulant les émissions de GES des grandes installations d'énergie, de l'industrie et de l'aviation, le système communautaire d'échange de quotas d'émissions de CO2 (SCEQE) est le principal instrument de l'UE pour atteindre ses objectifs climatiques. Pourtant, les prix actuels des quotas sont faibles, à environ 7 €/t (janvier 2015). Nos experts prévoient des prix des quotas d'émissions de CO2 qui restent faibles au cours des six prochains mois et qui augmenteraient au cours des cinq et dix prochaines années. Le prix médian s'établirait dans la fourchette 5-10 €/t pour le court terme, 10-15 €/t pour le moyen terme, et 20 à 25 €/t à plus long terme. Les prix plus élevés à long terme sont susceptibles de refléter le fait que le nouvel objectif de réduction de 40% pour 2030 est plus ambitieux pour les installations couvertes par le SCEQE que l'objectif actuel de réduction de 20% pour 2020. Pour stimuler à la hausse le prix du CO2 et de restaurer la confiance à court et à long terme dans le marché du carbone, la Commission Européenne a proposé d'introduire un mécanisme de stabilisation sous la forme d'une « réserve de stabilité de marché ».

A retenir

  • Moins d'un quart des experts estime que l’objectif de ramener à 50% la part du nucléaire dans le bouquet électrique français en 2025 sera atteint.
  • La part des sources d'énergie renouvelables (autres que l'hydroélectricité) dans le bouquet électrique français devrait presque quadrupler d'ici 2030.
  • Les sources d'énergie renouvelables (autres que l’hydro-électricité) devraient devenir la source dominante d'électricité dans l'UE en 2030.
  • Environ deux tiers des experts pensent que les conditions réglementaires en vigueur en France sont particulièrement favorables pour les investissements dans l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables.
  • Les experts sont divisés sur les conditions règlementaires actuelles et futures pour les investissements dans le nucléaire en France
  • Le prix de l'électricité restent stables au cours des six prochains mois, mais augmentent au cours des 5 prochaines années.
  • Le prix du pétrole continue de diminuer au cours des six prochains mois, mais augmentent au cours des 5 prochaines années.
  • Le prix des quotas d’émissions de CO2 augmentent seulement dans le moyen et long terme, mais à des niveaux qui restent assez faibles.
Mis à jour le 11 Décembre 2017 à 17h34