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Recherche : Audits conjoints, une perspective encourageante pour dynamiser le marché de l’audit

Lamya Kermiche, professeur associé à Grenoble Ecole de Management au département Finance, Innovation et Gouvernance.
Publié le
03 Juillet 2017

Depuis la disparition du cabinet Arthur Andersen en 2002, le secteur de l’audit est très surveillé par les responsables politiques. Les activités d’audit sont en effet concentrées au sein de quatre grands acteurs, réunis sous l’appellation de Big Four. Ce qui n’est pas sans soulever des préoccupations en termes de risques tant du côté de la demande que de l’offre. Les auteurs de cette dernière étude explorent la question des audits conjoints obligatoires en France et cherchent à comprendre comment les décideurs politiques peuvent atténuer les risques sur ce marché.

Cet article de Lamya Kermiche est le sujet du 37ème numéro des Résumés Managériaux de Grenoble Ecole de Management.

D'après l'article

The Audit Market Dynamics in a Mandatory Joint Audit Setting – The French Experience
Journal of Accounting, Auditing and Finance, 2017, à venir
DOI : #10.1177/0148558X16680716
Kermiche Lamya, Piot Charles

Les Big Four (Deloitte Touche Tohmatsu, Ernst & Young, KPMG and PricewaterhouseCoopers) concentrent la majorité des activités d’audit en Europe. Une prédominance qui limite le choix pour les acteurs publics qui souhaitent faire appel à un cabinet d’audit. Et qui peut avoir des effets nuisibles sur la tarification et/ou la qualité de services du fait d’une concurrence réduite.

L’Europe recommande des audits conjoints

A l’échelle européenne, les responsables politiques ont étudié plusieurs solutions pour atténuer les effets de la concentration de ce marché, parmi lesquels le recours à des audits conjoints et le lancement régulier d’appels d’offres avec rotation obligatoire du cabinet choisi. En 2014, la Commission Européenne recommandait l’utilisation des audits conjoints incluant un cabinet issu des Big Four (approche systémique) et un autre cabinet (non systémique). L’objectif de ce type de recommandation est d’ouvrir le marché et d’encourager l’émergence d’acteurs européens intermédiaires alternatifs qui pourraient venir compléter l’offre des Big Four.

Le marché français scruté à la loupe

Alors que peu de recherches ont été menées sur cette question, les auteurs de l’étude se sont penchés sur l’impact des audits conjoints en termes de dynamique de marché. Ils ont pour cela utilisé les données du marché français, la majeure partie des sociétés françaises cotées en bourse étant tenue de mettre en place des audits conjoints. Parallèlement, ces sociétés
françaises sont libres de choisir leurs co-auditeurs, ce qui leur a permis d’étudier l’équilibre dans les combinaisons choisies.

Les chercheurs ont exploré l’attractivité de chaque type de couplage à court et à long terme sur deux périodes : tout d’abord entre 1997 et 2003, période de forte concentration puisque les acteurs sont passés de Big Six à Big Four. Puis entre 2003 et 2009, période plus stable. À l’aide d’une analyse markovienne, les chercheurs ont examiné la façon dont les clients
choisissent de combiner entre les Big 4 et de plus petits auditeurs.

Les audits conjoints favorisent l’ouverture du marché

Dans l’ensemble, les conclusions de l’étude vient conforter la position de la Commission européenne quant aux avantages des audits conjoints. En termes de stabilité, les chercheurs ont constaté qu’une combinaison de deux cabinets issus des Big 4 était moins attractive sur le long terme que deux entreprises non systémiques. Une combinaison mixte entre un
cabinet issu des Big 4 et un plus petit s’avère être la solution la plus attractive (54% des clients d’audit sur le long terme). Enfin, ils ont souligné que, dans le cas d’audits conjoints impliquant uniquement des entreprises non systémiques, il est préférable d’associer un cabinet de niveau intermédiaire plutôt que deux cabinets locaux.

Ces résultats confirment que le système d’audit français conjoint peut être une solution efficace pour favoriser l’ouverture du marché et atténuer la prédominance des Big Four.

A retenir

  • La forte concentration du marché de l’audit autour des Big four présente un risque en termes de choix, de prix et de qualité
  • L’ouverture du marché peut être favorisée par l’utilisation des audits conjoints qui encourage les clients à inclure un cabinet de niveau intermédiaire ou un cabinet local
  • Sur le long terme, les audits conjoints associant un cabinet issu des Big Four et un plus petit acteur est la solution privilégiée par la majorité des clients (54%)

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