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Recherche : Effets spéciaux pour le cinéma, l’art de faire collaborer 60 métiers

Publié le
07 Novembre 2014

Comment les spécialistes des effets spéciaux collaborent-ils sur un même film alors qu'ils appartiennent à 60 métiers différents et sont répartis dans le monde entier ? Deux chercheurs de GEM ont étudié les mécanismes de coordination qui structurent ce « bricolage digital ».

Cet article de Charles-Clemens Rüling et Raffi Duymedjian est le sujet du 9ème numéro de GEM LAB Executive Summaries.

Les effets spéciaux d'un film peuvent mobilisent plusieurs centaines de personnes de 60 métiers différents, installées aux quatre coins du globe. Ces professionnels créent des fichiers numériques, les partagent, les découpent, les modifient, les reformatent... Et pourtant, à l'écran, le film est fluide, cohérent et réaliste.

Deux chercheurs de GEM ont étudié les mécanismes de coordination propres à ce domaine en analysant 187 interviews de professionnels, à propos d'une centaine de films. Leur conclusion : cette cohérence repose sur deux mécanismes transversaux, invisibles mais puissants.

Premier mécanisme

« l'alignement narratif » autour du scénario, du script ou du storyboard. Ces documents décrivent le résultat visuel attendu mais pas la façon de le produire, qui reste à l'appréciation des spécialistes des effets spéciaux. Pourtant, ceux-ci perçoivent clairement la façon dont leur travail va s'inscrire dans une scène, une succession de scènes ou le film tout entier. Ceci, sans doute, parce qu'ils sont eux-mêmes des passionnés et des spectateurs assidus des films à effets spéciaux.

Une vision partagée de ce qu'est un effet « qui marche »

Second mécanisme

la « verisimilitude ». Les professionnels des effets spéciaux ont une perception commune de ce qui semble réaliste, naturel, qui « marche » à l'image. Les jugements portés sur un effet donné sont convergents parce qu'ils s'appuient sur une même référence, le monde réel, et une même culture internationale du cinéma.

D'autres éléments contribuent à cette coordination. Par exemple, la pratique généralisée de l'anglais ou le passage dans des écoles qui forment à tous les métiers du numérique : chaque professionnel connaît les autres métiers et sait comment interagir avec eux.

Ainsi s'organise l'efficacité et la cohérence de ce que les deux auteurs appellent un « bricolage » digital, au sens de Claude Levi-Strauss : une activité qui ne s'ordonne pas autour d'une solution préconçue, mais des moyens disponibles et d'une façon de les combiner qui s'invente au fur et à mesure. En l'occurrence, la malléabilité du matériau numérique donne aux professionnels une extraordinaire latitude pour créer.

A retenir

  • La fragmentation du monde des effets spéciaux est compensée par deux mécanismes de coordination : l'alignement narratif autour de l'histoire, la perception commune de ce qu'est une scène « réaliste »
  • La production des effets spéciaux peut être qualifiée de « bricolage » digital, au sens de Claude Levi-Strauss : une activité qui s'ajuste aux moyens techniques disponibles, sans étape préalable de conception.

D'après l'article

Digital Bricolage : Resources and coordination in the production of digital visual effects Charles-Clemens Rüling & Raffi Duymedjian
Technological Forecasting & Social Change 83 (2014) 98 – 110

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