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Répondre vite aux questions pour ne pas passer pour un menteur

Répondre vite aux questions pour ne pas passer pour un menteur
Publié le
11 Mai 2021

L'évaluation de la sincérité des autres fait partie intégrante de nos interactions sociales. Une recherche récente, par « The American Psychological Association, démontre que la vitesse de réponse à une question est un indice important à partir duquel les personnes présupposent de la crédibilité de leur interlocuteur. Comment ne pas passer pour un menteur lorsque l’on est réfléchi ?

Ignazio Ziano est enseignant-chercheur au département marketing à Grenoble Ecole de Management, spécialisé dans la psychologie des consommateurs. Psychologue de formation et titulaire d'un doctorat en marketing, il est le co-auteur d'une étude inédite, intitulée Slow lies: Response delays promote perceptions of insincerity, conduite avec D. Wang, de l'Université James Cook à Singapour, et publiée en février 2021 dans la revue Journal of Personality and Social Psychology.

Votre recherche souligne que lorsque l'on marque un temps d'arrêt – même de quelques secondes – avant de répondre à une question, notre réponse est perçue comme moins crédible que si nous avions répondu immédiatement. Pourquoi cet objet d'étude ?

Notre recherche se fonde sur une série d'études conduites précédemment dans le champ de la psychologie sociale du consommateur. Nous nous sommes tout d'abord interressés aux effets que produisent nos comportements, et notamment nos choix, sur les autres. En d'autres termes, à ce que pensent les autres en nous observant. Car, en effet, beaucoup d'éléments impactent le jugement qui est porté par les autres sur nous. Un exemple : en 2018, nous avons publié un article qui souligne qu'une personne qui choisit un produit plébiscité par une majorité d'individus, sera perçue comme étant plus intelligente qu'une personne qui achète un produit choisi par une minorité.

Quelles ont été les modalités de vos études expérimentales, qui ont mobilisé plus de de 7 500 personnes ?

Nous avons réalisé, entre 2018 et 2020, 14 études au total aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France, auprès de participants répartis à chaque fois en deux groupes. Le point de questionnement portait sur la vitesse de réponse à des questions d'implications diverses.

Les participants ont écouté un extrait audio, visionné une vidéo ou lu le récit d'une personne répondant à une question simple, comme : « avez-vous aimé ce gâteau préparé par cet ami », ou « avez-vous volé de l'argent au travail ». Dans chaque scénario, le temps de réponse variait d'un délai immédiat à un délai de 3, 4, 5… à 10 secondes (considéré comme une réponse tardive). Les participants ont ensuite évalué la sincérité de la réponse apportée sur une échelle.

Les études ont relevé que, plus lente est la réponse, moins on paraît crédible. Et, plus la réponse est rapide, plus on paraît crédible. Ainsi, on constate qu'un délai de réponse de cinq secondes par rapport à un délai de zéro secondes, produit un effet sur la crédibilité.

Toutefois, les résultats de cette étude doivent être nuancés. En effet, lorsque la réponse est jugée comme « socialement indésirable » (par exemple : dire à votre ami que vous n'aimez pas son gâteau, ou dire à votre mari que vous l'avez trompé), ou jugée comme « compliquée » (par exemple : voler un bonbon, il y 10 ans ), le délai de réponse n'avait alors pas beaucoup d'importance.

Les études ont relevé que, plus lente est la réponse, moins on paraît crédible. Et, plus la réponse est rapide, plus on paraît crédible.

Selon vous, pourquoi le délai de réponse aux questions produit-il un gain ou une perte de crédibilité, et finalement, un tel jugement chez les participants ?

Une réponse rapide induit l'idée que le répondeur formule une pensée spontanée, donc une réponse a priori sincère. A l'inverse, une réponse plus lente, même de quelques secondes, laisse présupposer que le répondeur élabore et « invente » une réponse. Les participants à ces études n'interprètent donc pas un délai de réponse plus long comme un temps nécessaire à la réflexion,et nécessitant par exemple un effort de mémoire, mais comme un manque de sincérité. Par ailleurs, dans cette recherche, les observateurs, qui jugent la sincérité des réponses, se fondent de fait sur leurs expériences de vie, et sur leurs présupposés.

Intuitivement, nous avons tous tendance à penser que plus le temps de réponse à une question est long, moins le contenu de la réponse est vrai… Les conséquences peuvent être délétères lors d'un recrutement notamment ?

On sait, au plan psychologique, qu'il existe cet effet de vitesse de réponse sur la perception de la sincérité. Et, il existe effectivement des conséquences sur les recrutements. Certaines études ont montré, qu'en moyenne, les réponses rapides sont effectivement plus sincères, mais ce n'est pas applicable à 100 % ! Ceci, pour un tas de raisons : les effets de stress, le temps requis à la compréhension de la demande… peuvent induire un temps de réponse plus lent.

Quelles sont vos principales préconisations ?

Il est important de formuler certaines recommandations aux recruteurs, et notamment la nécessité d'ignorer le délai de réponse à une question, lors d'un entretien de recrutement. Mieux, il est même souhaitable d'éliminer l'entretien oral, au profit d'une production d'écrits, pour lesquels la vitesse de réponse n'influe pas. En conclusion, il est donc souhaitable, dans le cadre d'une décision de recrutement, de ne pas fonder son jugement sur le seul délai de réponse aux questions.

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