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Baromètre du marché de l’énergie 4 été 2015

Cette édition été 2015 du Baromètre du Marché de l’Energie par Grenoble Ecole de Management (GEM) présente les pronostics des experts français de l’énergie sur le Sommet sur le Climat (COP21) à Paris en décembre prochain, et sur l’évolution future du prix des certificats de CO2. Les experts ont également été interrogés sur l’évolution des prix de l’énergie.

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Rapport #4 - Eté 2015

Equipe projet :

Joachim Schleich (Coordinateur), Melodie Cartel, Olivier Cateura, Corinne Faure, David Grover, Jojo Jacob, Laurent Javaudin, Greg Molecke, Mark Olsthoorn, Azadeh Shomali, Anne-Lorène Vernay

Le Baromètre GEM du Marché de l'Energie est une enquête semestrielle auprès d'experts du marché de l'énergie opérant dans l'industrie, la science, et l'administration publique en France. Ces experts sont invités à donner leur évaluation de court, moyen et long terme sur l'évolution des marchés nationaux et internationaux de l'énergie. L'enquête est conçue en étroite collaboration avec le ZEW, le Centre de recherche économique européenne, qui a réalisé un baromètre similaire en parallèle pour l'Allemagne. Ce rapport est basé sur les résultats de l'enquête conduite en juin 2015 et impliquant 135 participants en France. Les résultats présentés font abstraction des réponses de type « ne sais pas/ ne se prononce pas ».

Ce rapport peut être consulté en Anglais

    A retenir

    • 62 % des experts français de l'énergie s'attendent à ce qu'il n'y ait pas d'accord juridiquement contraignant à l'issue du sommet mondial sur le climat de Paris - parmi les experts allemands, cette proportion est de 77 %.
    • La majorité des experts français de l'énergie pense qu’une absence d’accord juridiquement contraignant au sommet mondial sur le climat de Paris ne changerait pas les objectifs de la politique climatique française.
    • Un accord juridiquement contraignant aurait des effets positifs sur l'investissement dans le secteur de l'énergie et de l'industrie électrique.
    • Deux tiers des experts français de l'énergie estiment que un accord à Paris générerait une dynamique d'innovation bas-carbone dans les pays de l'OCDE, mais cette dynamique serait moindre dans les pays non membres de l'OCDE.
    • Le prix des certificats de CO2 augmenterait seulement dans le moyen et long terme, mais à des niveaux qui demeurent plutôt faibles.
    • L'annonce de l'intention du G7 d'éliminer tous les carburants fossiles d'ici la fin de ce siècle n'a affecté les anticipations des experts ni sur le prix des certificats d'émission de CO2, ni sur celui du pétrole à moyen terme.
    • Les prix de l'électricité et du charbon devraient rester stables au cours des six prochains mois.
    • La majorité des experts considère les faibles prix actuels du pétrole et du gaz comme un phénomène plutôt temporaire.

    Attentes minimales vis-à-vis du sommet de Paris sur le climat

    La 21e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) va se tenir à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015. Cette rencontre, l'une des plus grandes de l'histoire des négociations climatiques, est porteuse de grandes promesses quant à l'atténuation du changement climatique. Pour la première fois, chaque pays s'engagera à long terme sur un objectif contraignant de réduction d'émissions. Cet accord entrera en vigueur en 2020 et guidera les efforts de réduction d'émissions, se substituant au protocole de Kyoto. Les pays ont accepté de mettre sur la table l'inventaire des actions qu'ils entreprendront post 2020 dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Cet inventaire est aussi connu sous le nom d'INDC (Intended Nationally Determined Contributions).

    Au vu des INDC publiés par les pays jusqu'à présent, il semble clair que l'objectif de limiter le réchauffement climatique à 2°C ne sera pas atteint.

    Dans ce contexte, un objectif majeur du sommet de Paris est qu'il institutionnalise un processus de révision continue desdits INDC. L'enjeu central de ce processus est de fournir aux acteurs de la transition bas-carbone la visibilité nécessaire pour arbitrer des choix stratégiques de long terme. En outre, le sommet de Paris est très attendu sur les questions d'adaptation au changement climatique, qu'il s'agisse de son financement ou des modalités de transfert de technologies.

    La majorité des experts français s'attend à ce qu'il n'y ait pas d'accord juridiquement contraignant à l'issue de la conférence sur le climat de Paris - les experts allemands sont plus pessimistes concernant les résultats du sommet.

    Nous avons demandé aux experts du marché de l'énergie s'ils anticipent que le Sommet sur le climat de Paris puisse aboutir à un accord international légalement contraignant sur le climat. Les résultats suggèrent que 62 % des experts français de l'énergie s'attendent à ce qu'il n'y ait pas d'accord juridiquement contraignant au sommet sur le climat de Paris (nous avons regroupé les catégories de réponse « non » et « plutôt pas »). En réponse à la même question posée dans l'enquête ZEW, 76 % des experts allemands étaient pessimistes quant au résultat de la prochaine conférence sur le climat.

    Une absence d'accord légalement contraignant n'impacterait pas la politique climatique française

    La France a adopté en juillet 2015 la loi sur la transition énergétique qui prévoit notamment un objectif de réduction d'émissions de gaz à effet de serre de 40% par rapport aux niveaux de 1990 à horizon 2030, ainsi qu'une taxe sur le carbone qui devrait s'élever à 100 euros/tCO2 en 2030. Cet objectif décline à l'échelle nationale l'INDC publié par l'Europe en prévision du sommet climatique de Paris. Nous avons demandé à nos experts s'ils estimaient probable que cet objectif puisse évoluer en fonction des négociations.

    Nos experts estiment à plus de 80% que l’absence d’accord contraignant lors de la COP21 n’aurait pas d’effet sur la politique climatique française. Pour les experts allemands, cette proportion est identique. La France et l’Allemagne ont adopté des objectifs climatiques nationaux plus ambitieux que ceux de la plupart des autres pays. Quel que soit le succès du sommet sur le climat de Paris, il est probable que celui-ci ne conduirait pas à un réajustement des objectifs français et allemand, car ils répondent à une attente forte des citoyens. »

    Un accord juridiquement contraignant serait favorable au climat d'investissement des secteurs de l'énergie, de l'électricité et des services en France

    Au vu des potentielles conséquences économiques différenciées d'un accord international sur le changement climatique, nous avons ensuite demandé à nos experts quels seraient les effets d'un accord sur le climat d'investissement de plusieurs secteurs économiques.

    Selon les experts français, un accord bénéficierait au climat d'investissement surtout dans le secteur de l'énergie, dans le secteur de l'industrie électrique et dans le secteur des services.

    En particulier, les experts français de l'énergie estiment qu'un accord juridiquement contraignant bénéficierait au secteur de l'énergie en France: pour ce secteur 77 % des experts s'attendent à un effet positif ou très positif sur l'investissement. En revanche un accord n'aurait que peu d'impact sur le climat d'investissement dans la construction mécanique et les autres secteurs de l'industrie.

    Des impacts négatifs sur le climat d'investissement sont surtout attendus pour les industries à forte intensité énergétique. Sans doute, une partie substantielle de nos experts redoute que les différences dans les objectifs de politique climatique entre nations ne se traduisent par des désavantages concurrentiels pour les entreprises exportatrices à forte intensité énergétique telles que l'industrie de l'acier ou l'industrie chimique.

    Une comparaison avec les résultats de l'enquête ZEW suggère que seuls 50% des experts allemands de l'énergie croient qu'un accord climatique serait bénéfique pour le climat d'investissement dans le secteur de l'énergie du pays. La différence avec les résultats pour la France pourrait s'expliquer par le fait que le secteur allemand de l'énergie est beaucoup plus dépendant aux combustibles fossiles que le secteur français de l'énergie. Alors que la part des combustibles fossiles dans la consommation intérieure brute d'énergie en Allemagne en 2013 était de 82%, elle était de «seulement» 50% en France. En outre, alors que le projet de loi de transition énergétique vient d'être adopté en France, les réponses des experts allemands pourraient tenir compte des expériences de l'« Energiewende » allemande, associée à la loi de 2011 sur la suppression progressive de l'énergie nucléaire.

    La Conférence de Paris aura un impact fort sur les stratégies d'innovation industrielles

    La transition vers une économie bas-carbone nécessite des investissements privés dans des technologies portant sur la production et la consommation d'énergie, et caractérisées par leur forte intensité capitalistique. Les politiques climatiques peuvent faciliter cette transition en fournissant des signaux forts et transparents sur le long-terme.

    Plus de la moitié de nos experts estime que le sommet climatique de Paris déclenchera une dynamique offrant au secteur privé un contexte légal stable permettant de guider l'investissement dans l'innovation bas-carbone en France et dans les pays de l'OCDE. Néanmoins, seulement un tiers d'entre eux pense que l'accord sur le climat aura un tel impact dans les pays hors-OCDE. Ce résultat peut sembler déconcertant alors même qu'un enjeu majeur du sommet de Paris est justement d'accompagner les dynamiques d'innovation qui se mettent en place progressivement dans certains pays du Sud tels que la Chine et l'Inde.

    Néanmoins, malgré cette dynamique récente, les pays hors-OCDE restent les premiers émetteurs de gaz à effet de serre (60 % des émissions mondiales) et ne comptent que pour 10 % des brevets déposés sur des technologies bas-carbone.

    Le prix des certificats d'émission de CO2 en hausse seulement à moyen et long terme

    Le prix médian des certificats d'émission de CO2 atteindrait 20-25 €/t à long terme

    En réglementant les émissions de gaz à effet de serre des grandes installations d'énergie et de l'industrie (et aussi de l'aviation), le système d'échange d'émissions (SCEQE) est le principal instrument de l'UE pour atteindre ses objectifs climatiques. Pourtant, les prix actuels de certificats d'émission de CO2, d'environ 8 €/t (à la fin de Juillet 2015), sont plutôt faibles. Les experts français de l'énergie prévoient que le prix des certificats d'émission de CO2 restera faible au cours des six prochains mois et augmentera au cours des 5 et 10 prochaines années. Le prix médian est estimé à 5-10 €/t pour le court terme, 10- 15 €/t pour le moyen terme, et 20-25 €/t à plus long terme.

    Les décisions et annonces politiques récentes n'ont pas eu d'effet sur les anticipations de prix

    En général, les attentes sur les prix des certificats de CO2 sont presque identiques à ceux du baromètre de décembre 2014. Ainsi, l'accord entre le Conseil de l'UE et le Parlement européen de mai 2015 pour introduire une réserve de stabilité du marché, destinée à stabiliser le prix en supprimant les allocations excédentaires (temporairement) du marché, n'a pas affecté sensiblement les attentes de nos experts sur les futurs prix des certificats d'émission de CO2.

    Fait intéressant, dans le milieu de notre enquête, soit le 8 juin (15h00), les grandes nations industrielles réunies au G7 annonçaient qu'elles se donnaient pour objectif de réduire l'effet de serre par l'élimination progressive de l'utilisation de combustibles fossiles d'ici la fin du siècle. Environ 58 % des réponses avait été verrouillées avant le 8 juin. La proportion des experts qui pensaient que le prix à long terme des certificats d'émission de CO2 dépasserait 35 €/t est passée de 15 % avant l'annonce, à 24 % après l'annonce (cette différence n'est toutefois pas statistiquement significative).

    Il sera intéressant de voir dans le prochain Baromètre GEM du marché de l'énergie (hiver 2015), si la proposition de la Commission Européenne du 15 juillet 2015, qui prévoit une réduction du montant global des certificats de 2,2 % chaque année à partir de 2021 (au lieu de 1,74 % jusque-là), ou l'issue du sommet sur le climat de Paris, auront une incidence sur la prédiction de nos experts quant aux futurs prix des certificats.

    Evolution des prix de l'énergie

    Le Baromètre marché de l'énergie GEM sonde régulièrement les attentes des experts du marché de l'énergie sur l'évolution des prix de l'énergie sur le marché de gros et sur le prix des droits d'émission de CO2. Pour les prix de l'énergie, nous distinguons entre le court terme (6 mois) et à moyen terme (5 ans), et entre les quatre principaux vecteurs d'énergie : électricité, gaz naturel, pétrole et charbon.

    Les prix de l'électricité restent stables à court terme, mais augmentent à moyen terme

    Concernant le prix de l'électricité à court et moyen terme, les attentes de nos experts de l'énergie sont très semblables à celles de l'enquête précédente réalisée en décembre 2014. En substance, la plupart des experts de notre panel s'attendent à ce que les prix de l'électricité restent stables au cours des prochains six mois. Au cours des cinq prochaines années, la grande majorité des experts anticipe une augmentation du prix de l'électricité. Il est intéressant de noter que la proportion d'experts qui s'attendaient à des prix stables de l'électricité au cours des six prochains mois, a diminué de 74 % à 59 % après que le G7 ait annoncé ses plans pour éliminer tous les combustibles fossiles d'ici la fin du siècle. Dans le même temps, la part des experts qui pensent que le prix de l'électricité va augmenter dans les six mois, a augmenté de 19 % à 33 %. Cependant, l'annonce du G7 ne semble pas avoir d'effet sur les pronostics de nos experts concernant l'évolution à moyen terme du prix de l'électricité ou l'évolution à court ou à moyen terme des prix du carburant.

    Le prix du charbon reste stable à court terme, mais son évolution à moyen terme est incertaine

    La plupart des experts prédisent que les prix du charbon demeurent stables à court terme, mais l'évolution à moyen terme est devenue moins certaine. Environ un tiers de nos experts prévoit que les prix du charbon vont augmenter, un tiers pense qu'ils vont demeurer stables, et le dernier tiers s'attend à une baisse au cours des 5 prochaines années.

    Les prix du pétrole et du gaz restent stables à court terme, mais augmentent à moyen terme

    La forte tendance à la baisse du prix du pétrole en dollars, initiée en juin 2014 s'est poursuivie jusqu'en mars 2015. Cette baisse de 30 % du prix du pétrole est principalement attribuable à la faible croissance économique, à l'augmentation de l'offre de produits de substitution bon marché (par exemple l'exploration de pétrole non conventionnel et de gaz de schiste en Amérique du Nord), et au refus de l'OPEP (surtout de l'Arabie saoudite et de l'Irak) de réduire la production pour mieux maintenir leurs parts de marché.

    Alors que la majorité des experts dans notre précédente enquête de décembre 2014 anticipait que le prix du pétrole resterait stable au cours des six prochains mois, le prix a en fait commencé à remonter à partir de mars 2015, mais a ensuite repris une tendance baissière en réponse à des perspectives de croissance faibles pour la Chine, et au récent accord sur le nucléaire iranien, qui restreint la capacité nucléaire de l'Iran en échange de la levée des sanctions financières et pétrolières internationales. Dans l'enquête actuelle, plus de trois quarts des experts pensent que le prix du pétrole va rester inchangé au cours des six prochains mois, et environ 70 % prédisent une augmentation au cours des cinq prochaines années. Pour le gaz naturel, les experts du marché français de l'énergie prévoient une évolution des prix similaire à celle du pétrole. Autrement dit, 72 % des experts pensent que le prix du gaz naturel va rester constant au cours des 6 prochains mois et 62 % pensent qu'il va augmenter dans les 5 prochaines années.

    Mis à jour le 05 Juillet 2018 à 17h21