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Quel process d’innovation favoriser pour éviter les échecs ?

David Gotteland est professeur de marketing à Grenoble Ecole de Management
Publié le
14 Juin 2018

Innover est un impératif pour la survie des entreprises. Cependant, trois études référentes (1) , publiées par la Product Development and Management Association, relèvent que seules 15 % des innovations sont des succès financiers et commerciaux. 85 % sont donc des échecs. Comment sécuriser le processus d’innovation, dès l’origine, et réduire ainsi la probabilité d’échec ?

Spécialiste du marketing, David Gotteland est enseignant-chercheur à Grenoble Ecole de Management. Il analyse pour nous des travaux de recherche structurants qui permettent aujourd’hui de fiabiliser le processus d’innovation.

Parmi les étapes clés du processus d’innovation, la plus difficile à sécuriser est sans doute la toute première : la production de nouvelles idées de produits ou de services. Elle est très régulièrement qualifiée de « fuzzy front-end » du processus d’innovation. D’où l’impératif de disposer de méthodes de créativité permettant, dès le tout début du processus d’innovation, de générer de « bonnes » opportunités d’innovation. C’est-à-dire, des idées de nouveaux produits ou services qui s’avèreront être à la fois utiles et originales pour l’utilisateur final.

Méthodes de créativité libres ou structurées ?

Les méthodes de créativité sont surabondantes. La recherche académique a permis de les classifier en deux familles (Toubia, 2006).

Les méthodes de créativité dites « libres », comme le « brainstorming ».

Elles reposent sur le principe qu’un individu sera d’autant plus créatif qu’il n’est pas contraint dans son processus créatif.

Les méthodes de créativité dites « structurées ».

Elles reposent, au contraire, sur le principe que la créativité d’un individu peut être stimulée par l’application systématique de principes et de processus très structurés. Ce à quoi nous allons nous intéresser…
Parmi les méthodes structurées, la méthode des « schèmes fondamentaux » offre des preuves de performance scientifiquement établies. Il a en effet été montré que, bien utilisée, elle permet d’augmenter de 15 % l’originalité et l’utilité perçue des idées de nouveaux produits ou de nouveaux services (Goldenberg, Mazursky et Solomon, 1999).

Quelle mise en œuvre ?

La méthode des schèmes fondamentaux se compose de deux étapes. Dans un premier temps, l’offre – un produit ou un service – est décomposée en composants internes (qui sont sous le contrôle du fabricant) et externes (hors du contrôle du fabricant), et en attributs (qui sont des caractéristiques des composants).

Par exemple, un fer à repasser est composé d’une semelle, d’une poignée, d’un réservoir… (composants internes), mais, sans linge, sans utilisateur, sans table à repasser… (composants externes), un fer à repasser n’est pas véritablement un fer à repasser, en tout cas, pas du point de vue de l’utilisateur final. 
Dans un deuxième temps, l’offre ainsi décomposée est alors recomposée de manière originale, ce qui permet alors de générer de nouvelles idées de produits ou services.

Il existe cinq manières génériques de procéder :

  • En créant de nouveaux liens entre deux composants, lorsqu’ils ne sont pas encore liés dans la version existante de l’offre. Il serait par exemple possible d’imaginer un fer à repasser où la main de l’utilisateur (composant externe) soit liée à la semelle du fer à repasser (composant interne), devenant ainsi un « gant à repasser ».
  • En créant de nouveaux liens entre deux attributs. Il serait possible d’imaginer un fer à repasser où la taille de la semelle (composant interne) soit liée à la taille du linge (composant externe) : un fer à repasser dont la taille de la semelle s’adapterait au linge (ce n’est pas tout à fait la même chose de repasser des draps ou une cravate...).
  • En supprimant un composant : un fer à repasser sans poignée, qui serait un « robot » à repasser.
  • En remplaçant un composant : un fer à repasser où la semelle serait remplacée par un cintre, par une armoire, par la table à repasser…
  • En divisant un composant : un fer à repasser, où la semelle serait divisée en deux : une petite semelle pour le petit linge, une grande semelle pour le plus grand linge.

C’est ainsi que la méthode des schèmes fondamentaux permet de fiabiliser le processus d’innovation, dès l’étape de génération d’opportunités d’innovation. Pour faciliter l’appropriation de cette approche et la rendre très opérationnelle, Grenoble Ecole de Management a conçu et a développé le jeu sérieux Creanov©. Ce jeu de plateau, ludique et accessible sans formation préalable, a reçu le Prix CIDEGEF-FNEGE de l'Innovation Pédagogique (2018). Il est désormais disponible à la vente.

(1) Références bibliographiques

Barczak, G., Griffin, A. & Kahn, K.B., 2009. PERSPECTIVE: Trends and Drivers of Success in NPD Practices: Results of the 2003 PDMA Best Practices Study. Journal of Product Innovation Management, 26(1), pp.3–23.

Goldenberg, J., Mazursky, D., & Solomon, S., 1999. Toward Identifying the Inventive Templates of New Products: A Channeled Ideation Approach. Journal of Marketing Research, 36(2), pp.200–210.

Toubia, O., 2006. Idea Generation, Creativity, and Incentives. Marketing Science, 25(5), pp.411–425.

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