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Objets de santé connectés : comment gagner la confiance des patients ?

Objets de santé connectés : comment gagner  la confiance des patients ?
Publié le
22 Mars 2022

Avec les objets de santé connectés, les médecins peuvent par exemple suivre des malades chroniques en continu, adapter le traitement, réagir aux signes avant-coureurs d’une aggravation… Pourtant, certains patients cessent d’utiliser ces objets après un certain temps. « Question de confiance » répond Olivier Arsene, spécialiste du sujet à Grenoble Ecole de Management, qui cherche à identifier des clés de compréhension à l’usage du corps médical.

Qu'entend-on par « objet de santé connecté » ?

O.A. : Ce sont des dispositifs de surveillance qui s'inscrivent dans des parcours de soins. Ils sont proposés à des patients atteints de maladies chroniques et remontent des données à un médecin ou à un service hospitalier. Il existe ainsi des lecteurs de glycémie connectés pour le suivi du diabète, des piluliers connectés qui rappellent qu'il faut prendre un médicament, etc.

Quelle est la proportion de patients qui les utilisent, puis les abandonnent ?

Les chiffres varient fortement selon les pathologies, l'âge de la personne, sa familiarité avec les outils numériques, et le fait que le dispositif soit invasif – un pace maker par exemple – ou non. Je travaille avec un service de cardiologie de l'Assistance publique – Hôpitaux de Marseille qui propose des balances connectées à ses patients après une hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Le taux d'abandon oscille entre 10 et 15%.

Est-ce dû au manque d'information ou de motivation du patient ?

Le patient est informé, puisqu'il donne son consentement avant la mise en place d'un suivi. Par ailleurs, il sait qu'une insuffisance cardiaque peut être mortelle et qu'une prise de poids rapide est un signal d'alerte ; je ne crois pas à l'absence de motivation.

À ce jour, plusieurs aspects psychologiques sont avancés : lassitude vis-à-vis de cette pesée quotidienne ; déni ou rejet de la maladie, donc de tout ce qui la rappelle ; illusion d'un retour à un meilleur état de santé qui rendrait la balance inutile…

Vous avez choisi pour votre part d'étudier la notion de confiance. Pourquoi ?

Elle permet de passer de l'observance thérapeutique (je fais ce que le médecin m'a demandé) à l'adhésion thérapeutique : le patient s'implique durablement. On sait depuis longtemps que la confiance est la clé de l'effet placebo. De même façon, elle contribue certainement à l'utilisation régulière des objets connectés.

Comment installer ou restaurer cette confiance ?

La confiance naît habituellement d'une intention et d'une volonté communes à deux parties : des individus, des entreprises, des États... En revanche, elle ne peut pas surgir spontanément face à un objet connecté. Aussi, le patient « déporte » sa confiance vers le soignant qui le lui prescrit : médecin de famille, spécialiste hospitalier... À condition toutefois qu'il le perçoive comme compétent, bienveillant et intègre. J'étudie notamment ce mécanisme, qualifié de « transfert » ou « d'attribution ».

La confiance dans le médecin suffit-elle à créer l'adhésion thérapeutique ?

Non, je pense que les modèles bien connus de l'adhésion et de l'observance des traitements entrent également en jeu. Comme pour un médicament, le patient doit être convaincu que l'objet connecté est bénéfique pour sa santé et qu'il n'aura pas d'effets indésirables graves. Effets qui en l'occurrence, concernaient par exemple la confidentialité de ses données ou leur exploitation marchande.

Autrement dit, le patient doit avoir une « compétence numérique » minimale…

En effet. Si le patient est capable d'employer les outils numériques dans les actes du quotidien, de comprendre leur fonctionnement d'ensemble et leurs enjeux, je pense qu'il est plus susceptible d'adopter les objets connectés de santé. Mais on peut aussi imaginer l'inverse : ce patient bien informé pourrait avoir une conscience accrue des risques liés à la confidentialité et de ce fait, refuser ces objets.

Quelle forme prendra votre travail de recherche ?

C'est une thèse que je compte terminer fin 2023, et qui proposera une modélisation des comportements des patients face aux objets connectés. Elle s'appuiera en particulier sur une cohorte de plus de 100 patients suivis par ce service hospitalier de Marseille. J'espère apporter ainsi des clés de compréhension à l'attention des soignants et des fabricants de matériels.

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