
Les consommateurs disposent d’un pouvoir conséquent pour orienter le comportement des entreprises. Leur pouvoir d’achat notamment, et la manière dont ils dépensent leur argent, a un impact direct sur la réussite d’une entreprise. Le boycott est l’un des moyens qui illustre le mieux ce pouvoir. Toutefois, une étude récente suggère que le « buycott » – le fait d’orienter ses achats vers des entreprises au comportement éthique –, pourrait être un levier efficace pour inciter au changement.
« Les consommateurs peuvent utiliser leur pouvoir d’achat de deux façons pour exprimer leur préoccupations sociales ou environnementales, souligne Robert Mai, professeur associé en marketing à Grenoble Ecole de Management. Premièrement, ils peuvent boycotter une entreprise « irresponsable ». Deuxièmement, ils peuvent décider d’acheter délibérément à une entreprise « responsable » (buycott). »
D’un côté, le boycott, plus largement connu, est une pratique qui mise sur la restriction des achats des consommateurs/trices dans le but de sanctionner une entreprise. De l’autre côté, le buycott, beaucoup moins connu, privilégie le fait de récompenser une entreprise pour ses bonnes pratiques, en achetant ses produits. Dans le cadre de cette étude, Robert Mai et ses pairs ont analysé les différents mécanismes motivationnels qui déterminent les raisons pour lesquelles les consommateurs se rallient au boycott, ou au buycott.
Le buycott [...] est fondé sur le fait de vouloir récompenser les comportements positifs d’une organisation. Vous pouvez tout à la fois acheter le produit désiré et « faire le bien »
Le buycott : encourager le changement à travers l’action plutôt que la restriction
« Le boycott demande au consommateur de se priver d’acheter quelque chose qu’il aurait normalement acheté, dans le but de modifier les pratiques d’une entreprise, créant ainsi un conflit entre le désir de consommer et sa motivation à exprimer ses valeurs sociétales et environnementales. Le buycott est exactement le concept opposé : il est fondé sur le fait de vouloir récompenser les comportements positifs d’une organisation. Vous pouvez tout à la fois acheter le produit désiré et « faire le bien », explique Robert Mai.
Pour en comprendre la pertinence, Robert Mai relève : « ces pratiques peuvent être encore plus efficaces si elles reposent sur deux caractéristiques : tout d’abord, le style de vie hédoniste (quand le plaisir provient du shopping), et ensuite, la simplicité (lorsque le style de vie s’éloigne du consumérisme). »
« Pour un consommateur hédoniste, le boycott impose une restriction. Mais, ces mêmes consommateurs ont jugé très positif le buycott, en tant que moyen permettant de remettre les entreprises dans le droit chemin. Toutefois, pour les consommateurs privilégiant un style de vie simple, le boycott est une option acceptable car il est en ligne avec leur mode de vie. Cette distinction livre ainsi une clé importante pour comprendre et utiliser le buycott comme force de changement. »
Les hauts et les bas du boycott
En général, les activistes, les politiques, les associations et autres acteurs engagés appellent au boycott pour produire le changement. Toutefois, il pourrait être bénéfique d’accroître l’usage du buycott. « Le buycott crée un cercle vertueux pour produire le changement dans le sens où il ne limite pas les consommateurs dans leurs achats, et dans le même temps, récompense les entreprises. Bien sûr, il faut également considérer le côté sombre : encourager le consumérisme dans le but de récompenser une entreprise peut aussi avoir un impact négatif au plan environnemental. Il est important de garder en tête que cette stratégie ne devrait pas être utilisée uniquement pour favoriser l’achat de produits, dont vous vous débarrasserez ou que vous n’utiliserez pas… Un autre point, digne d’intérêt : nous avons observé que le buycott était plus populaire auprès d’un public plus jeune. Ce constat pourrait nous aider à orienter de futures stratégies pour les encourager, » conclut Robert Mai.