
La pandémie de coronavirus a vu fleurir nombre d’informations distordues, décontextualisées ou parfaitement erronées sur le Net, jouant le rôle de caisse de résonnance à l’échelle planétaire. Dans quelle mesure cette période anxiogène a-t-elle été propice aux fake news, et comment s’en prémunir ? Décryptage.
Ces dernières semaines, les fake news n'ont rien épargné, ni personne… Pas même les revues médicales référentes à l'international, telles The Lancet et The New England Journal of Medicine. Toutes deux ont en effet procédé au retrait d'articled liés au Covid-19, fondés sur des résultats fournis par une société américaine, Surgisphere. L'étude, désormais sujette à caution, publiée le 22 mai par The Lancet, suggérait que l'hydroxychloroquine, associée ou non à un antibiotique comme l'azithromycine, augmentait la mortalité et les arythmies cardiaques chez les patients hospitalisés pour Covid-19. Cette étude avait été suivie en France par l'abrogation de la dérogation qui permettait l'utilisation de cette molécule contre le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 et par la suspension d'essais cliniques destinés à tester son efficacité.
« Dans un communiqué, The Lancet indique que le retrait de l'article a été demandé par trois des coauteurs – mais pas par Sapan Desai, le chirurgien et fondateur de la société Surgisphere, qui était supposé avoir collecté les données médicales de 96 000 patients « dans 671 hôpitaux sur six continents », a relaté le Journal Le Monde, dans son édition en ligne du 4 juin dernier. Et le journal de conclure : « Reste désormais à analyser comment Surgisphere, une petite société inconnue il y a quelques semaines encore, aura pu s'associer à des chercheurs de renom et passer le filtre de la relecture réputée implacable de deux des revues médicales les plus prestigieuses. »
Les contextes de crise font le terreau des fake news
Dans les faits, une fake new d'une telle ampleur peut altérer la crédibilité d'institutions, nuire à la collectivité et aux individus, via ses conséquences délétères en termes de santé publique, et ternir l'image de tout un secteur. Un contexte de crise, sanitaire ou autre, est propice aux fake news, car il exacerbe les passions, laisse peu de place à la rationalité et crée un climat anxiogène sur Internet et les réseaux sociaux.
« S'assurer de la véracité d'une information permet de ne pas se faire le complice de la propagation d'une rumeur », rappelle Yannick Chatelain, professeur associé et enseignant-chercheur à Grenoble Ecole de Management, Responsable du développement IT/digital, et par ailleurs Expert auprès de l'UNODC (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime). En témoignent, par exemple, les fake news qui ont circulé sur les antennes 5G, accusées d'être des vecteurs de propagation du Coronavirus par les théoriciens du complot, qui sont allés jusqu'à saccager lesdites antennes, en Grande-Bretagne… Sans compter, aujourd'hui, l'impact sur l'ensemble d'un marché qui se trouve mis à mal. « L'autre effet pernicieux d'une fake new est de noyer dans le flot des vraies fausses informations… les véritables lanceurs d'alerte qui, eux, ne sont pas entendus ! soutient Yannick Chatelain.
C'est pourquoi, faire acte de vigilance sur la toile est essentiel, particulièrement en contexte de crise. Le bon sens doit prévaloir, en sachant toutefois que la diffusion de fausses informations est accrue dans le climat de sidération propre aux crises. « Le b.a.b.a devrait donc consister à vérifier l'information dès qu'elle nous est accessible. Il arrive parfois que l'on re-twitte un article à la seule lecture des 280 caractères du tweet, sans même l'avoir lu ! » conclut Yannick Chatelain.
Quelques indices et recommandations pour trier le bon grain de l'ivraie
- « Sur les réseaux sociaux, les blogs, les sites internet… Vigilance face à l'invitation ostensible et trop pressante au « partage », notamment lorsque les messages se font alarmistes, souligne en préambule Yannick Chatelain.
- Vérifier le contexte (et la dé-contextualisation) de la narration sur les réseaux sociaux, dont Twitter. S'assurer de la cohérence entre les images vidéo (est-ce un montage ou non ?), le texte, le récit en voix off… Mais aussi la temporalité, en utilisant Google images pour valider une « image choc ».
- Vérifier la fiabilité du site relayant l'information en question. Pour ce faire, lesdecodeurs.com, créé par le journal Le Monde, est référent en France pour valider le crédit qui peut être accordé à un site.
- Une information relayée sur le Net, qui peut s'avérer être diffamante, est-elle reprise par des supports d'information crédibles, en France et à l'international, à la télévision et sur d'autres médias référents », conclut Yannick Chatelain.
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"Chroniques du Technomonde, les évolutions récentes d'Internet, pour le meilleur ou pour le pire" aux Editions Maxima Laurent du Mesnil