
La chaire de recherche Femmes & Renouveau économique (FERE), créée à Grenoble Ecole de Management, et Les Prem1ères Rhône-Alpes Auvergne, premier réseau d’incubateur francophone, lancent l’incubateur mobile « GEM Les Prem1ères » en Isère. Objectif ? Stimuler et recréer des emplois dans les campagnes par l’entrepreneuriat féminin.
Entretien avec Séverine Le Loarne, instigatrice de la chaire de recherche FERE en 2016, spécialiste de l’entrepreneuriat et l’intrapreneuriat féminin et professeure à Grenoble Ecole de Management
Pourquoi un incubateur spécifique aux femmes entrepreneures, hors agglomération grenobloise ? En quoi se distingue-t-il ?
Il est singulier puisqu’il s’agit du premier incubateur mobile dédié aux femmes qui souhaitent entreprendre en zones de montagne et en zones rurales. La plupart des incubateurs sont situés dans les grandes agglomérations pour accompagner les femmes qui créent… dans ces grandes agglomérations. Notre enjeu consiste à travailler sur les zones hors agglomération. Notre objectif est de redonner vie à ces territoires par l’entrepreneuriat et de recréer des emplois dans ces secteurs.
Pourquoi viser l’entrepreneuriat féminin ? Pour deux raisons. Tout d’abord, les femmes qui résident dans ces zones, de par leur implication dans la vie domestique, sont les plus touchées par la difficile conciliation lieux / temps (être au bon endroit au bon moment, sans trop perdre de temps). Leur donner l’occasion de créer une entreprise ambitieuse et pérenne, créatrice d’emploi, sur un lieu proche de leur lieu de vie est une formidable opportunité d’équilibre et de réalisation professionnelle et personnelle ! Ensuite, nous commençons par ce que nous savons faire le mieux. La chaire FERE bénéficie de plus de 10 ans de recherche sur l’entrepreneuriat féminin. Nous privilégions l’accompagnement de la population que nous connaissons le mieux !
Rejoindre l’incubateur « GEM – Les Prem1ères », c’est aussi entrer dans une démarche d’apprentissage collective : l’incubateur est hébergé par une chaire de recherche, autrement dit, l’incubateur permet un accompagnement sérieux de la femme qui souhaite créer une entreprise génératrice d’emploi à partir de l’exploitation d’une activité innovante. Rejoindre l’incubateur « GEM – Les Prem1ères » permet aussi de tester « en temps réel » l’impact de l’entrepreneuriat féminin sur le territoire et de prouver l’impact de telle ou telle méthode pédagogique sur l’apprentissage de ces femmes créatrices d’entreprise.
L’incubateur est un lieu mobile et une source d’apprentissage. Quels seront donc les outils ciblés à disposition des femmes entrepreneures, et quelles seront les modalités d’accompagnement ?
La méthode d’accompagnement est celles déjà bien éprouvée des Premières – premier réseau d’incubateur d’entrepreneuriat féminin francophone. Outre l’accès à des lieux privilégiés – un sur Grenoble et des tiers lieux sur les zones géographiques, où les futures femmes entrepreneurs vivent –, l’incubateur propose une série de six formations, dont la première porte sur l’aide au discernement entrepreneurial, mais aussi sur l’accès aux réseaux pour ne pas créer seule dans son coin.
La particularité du site de la zone Sud Isère (contrairement aux autres incubateurs des Premières), est l’utilisation de certains éléments de la pédagogie de Grenoble Ecole de Management (GEM Learning Model). Trois exemples concrets : la réflexion sur le projet entrepreneurial et l’enrichissement de l’idée de business par le jeu sérieux (la méthode Cubification) ; un apprentissage sur la manière par laquelle la femme entreprend grâce à des méthodes réflexives, en particulier par le journal d’apprentissage. Dernier exemple : un apprentissage rapide et probant de certains points de gestion de l’entreprise par des cas réalisés via la Bande Dessinée. De même, l’incubateur sera co-animé par des experts en mécénat de compétences de l’école.
Pourquoi pourrait-il être plus adapté que les dispositifs actuels dédiés à l’entrepreneuriat féminin (role models...), dont l’action, précisez-vous, n’a jamais été mesurée et fait pourtant l’objet de financement ?
Pour le moment, des milliers d’euros (voire des dizaines de milliers d’euros) sont investis dans des actions qui visent à promouvoir les témoignages de femmes qui « réussissent ». Ce n’est pas très correct de citer de noms mais il suffit de regarder tous les prix d’entrepreneuriat féminin, toutes les conférences sur l’entrepreneuriat féminin. En soi, en tant que scientifique, je n’ai pas de jugement à porter sur ces initiatives si ce n’est que l’on ne connaît absolument pas l’impact concret que ces initiatives que l’on appelle « la création de role models » ont sur la décision pour une femme de créer son entreprise, et encore moins sur la manière dont elle va s’y prendre.
Valoriser des femmes dans le monde de l’économie. Pourquoi pas. Dire que c’est par cela que l’on donne confiance aux autres et qu’elles vont entrainer les autres dans une aventure (et laquelle d’ailleurs ?) en est une autre.